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L'Eglise Sainte Marie-Madeleine et son clocher
Le retable
En 1686 le curé du village ordonne l’édification d’un retable qui remplace un décor polychrome sur le mur du fond de la nef centrale ; sur une imposante structure de chêne massif, des artisans sculpteurs façonnent un ensemble de scènes, de statues et de décors. Un famille de sculpteurs, un père et ses trois fils, va s’évertuer à donner une vie un projet surprenant : un édifice mural fort de ses 60 m² de superficie.
Sculptures directes sans moulages, à l’habileté du poignet, savoir-faire patient et obstiné, riche de son expérience en la matière…ces hommes ont modelé une vision de leur monde, ont fabriqué une interprétation des récits bibliques, quelque part à la limite entre le profane et se sacré.
En entrant dans la nef centrale une immense fresque emplit l’oeil : vous verrez une scène biblique centrale, bien encadrée de 2 personnages massifs, imposants et impassibles. Le 1er niveau donne l’air d’un temple ouvert. Le repas de Jésus chez Simon le Pharisien est un tableau en relief.
Au dessus du temple, une autre scène biblique, la rencontre de Madeleine avec le Christ, à sa résurrection. C’est un jardin dans le ciel, où ramages et corps drapés prennent des reliefs de nuées, l’impression d’une scène aérienne.
L’oeil est aspiré irrésistiblement par un fourmillement de formes : la montée vers le retable opère alors comme un travelling, la composition se réveille devant nous, elle prend vie, tous les acteurs de la fresque s’animent, leurs regards emplissent l’espace.
Les colonnes torses
Les Quatre colonnes torses, qui rythment l’ensemble dans un balayage du regard et qui sont sensées apporter une stabilité à la structure de l’édifice, vous entraînant dans leur mouvement de spirale, jeu complexe de la stabilité et de l’instabilité. Des angelots grimpants font partie de ce tourbillon et invitent du regard à passer à la scène centrale.
La scène centrale
En contraste avec parties latérales et massives, le tableau central vous accueille à la table de Simon le Pharisien, Madeleine parfumant les pieds de Jésus. Sensation étrange que ce moment, qui porte le message le plus important de cette scène biblique, semble aussi une scène quotidienne d’amour. Interprétation duale de la vie, l’ambiguïté savante et recherchée entre le profane et le sacré : la position de Madeleine, l’air enjoué de Jésus.
Autre phénomène singulier, les deux personnages forts de ce tableau, en forment le cadre, et n’occupent pas les places fortes habituelles de la composition d’une oeuvre. Pourtant ils occupent bien le premier plan.
Plus curieux encore, ce tableau qui est une sorte de « peinture épaisse », montre une profondeur de champs importante, alors que les « fenêtres » qui l’encadrent sont de véritables objets massif en épaisseur, presque réels, n’en ont aucune. Comme si, là où l’on trouve le moins de réalité, il y a le plus de message.
Dans la profusion des regards qui emplissent l’espace, un mouvement de lignes convergent vers le plateau incliné, défi artistique aux lois de l’équilibre, point central du tableau. Il ouvre la scène sur un paysage lointain extérieur. Le vase qu’il porte rappelle étrangement le vase de parfum du 1er plan, et bien sur celui de « Scène finale » du Christ avec les apôtres, comme si la présente scène en était une répétition.
"Noli me tangere"
La scène de la plus haute valeur spirituelle prend place au dessus d’une corniche qui sépare ce monde réel de l’Au-delà. On retrouve Madeleine : dernier relais entre le Christ et les hommes, une Madeleine transformée, une autre Madeleine. Le Christ lève le doigt au ciel, interprétation nouvelle de la traduction biblique « noli me tangere » (ne me touche pas), ce n’est pas ce que semble traduire le geste du personnage. « Je dois monter auprès de mon père, je dois m’élever » interprétation qui retrouve le sens messianique de la vie du Christ dans son ultime phase de transformation, appel à la pureté de l’esprit.
Ombre, Lumière et Art du mouvement
Le stuc, pâte compacte et malléable, collé sur une ossature de chêne massif offre au sculpteur un champs d’expression immense : aucun moulage dans cette composition, un façonnage patient et passionné. Creusés de façon maniaque, visages, corps, frises et décors jouent savamment sous l’effet de faisceaux lumineux pour donner une impression de vie à l’oeuvre toute entière. Pas de polychromie, un simple badigeon blanchâtre de protection et un éclairage latéral, suffisent à l’expression vivante d’un ensemble. Dès la montée de la nef, le spectacle grandit et donne l’impression d’animation, ensuite les éléments éclatent sous la proximité du regard. Une église est un lieu de déplacement, chaque angle de vue porté sur la scène centrale en donne une interprétation différente : c’est le génie de l’art baroque.